Bicycle coup de coeur !
Il est adulte, artiste peintre et souffre d’un trouble bipolaire. Ainsi planté le décor peut paraître assez typique voire attendu. Il l’est mais plutôt qu’à la maladie et à sa prise en charge c’est bien à l’intrication de la vie familiale et de la bipolarité que ce film a décidé de s’intéresser.
Le titre est inspiré de celui du livre de Gérard Garouste « L’intranquille » lui-même peintre et souffrant d’un trouble bipolaire. Mais si le réalisateur, Joachim Lafosse, a décidé de le mettre au pluriel c’est bien pour nous raconter le quotidien de toute une famille confrontée à la maladie bipolaire. Ici la famille est vue comme une équipe ! Et ça, chez Bicycle, ça nous parle !
Ainsi dans la famille « Intranquille » il y a le père et le conjoint, Damien qui est aussi celui qui est atteint de bipolarité mais il y a aussi Leïla, la compagne et la mère, Amine, le fils et Patrick le père de Damien et le grand-père.
Toute la famille vit au rythme effréné de Damien, souffre et s’épuise.
Leïla vit dans l’angoisse de la prochaine crise tout en s’inquiétant pour la sécurité de son fils sans pour autant vouloir le séparer de son père… L’équilibre est difficile à trouver tant Leïla est fatiguée par les ascenseurs émotionnels que lui fait traverser Damien. Pourtant à chaque fois « elle y croit » comme elle dit avant que Damien ne replonge… Malgré sa patience et son empathie exemplaire, elle finit elle aussi par craquer… La bipolarité demande de l’endurance, beaucoup d’endurance… On la voit devenir à son tour dysfonctionnelle alors qu’elle ne cherche qu’à préserver son fils. On assiste ainsi à une scène où elle pète littéralement un plomb en le traînant de force sous une douche froide…
Leïla, c’est nous, la mère ou le père aidant avec notre cyclokid.
Amine, le fils, est traversé par plusieurs émotions, il a parfois honte de ce père extravagant mais aussi très peur pour celui qu’il admire et qu’il aime tant. A plusieurs reprises on le sent submergé par beaucoup de tristesse mais aussi de la colère quand sa mère est tentée de lui donner un rôle qu’il ne devrait pas avoir notamment lorsqu’elle le prend à témoin de la bonne médicamentation paternelle. Amine devient parfois le père de son père quand celui-ci perd le contrôle et fait preuve d’une maturité incroyable pour son âge. Il sait lui aussi désarmorcer les crises et ne pas provoquer l’escalade comme dans cette scène où il imite avec beaucoup d’humour un délire de son père.
Cet enfant peut tout à fait nous faire penser au frère ou à la sœur aîné(e) ou cadet(te) qui accompagne notre cyclokid.
UEnfin Patrick, le grand-père aide les aidants directs, Leïla et Amine. Il temporise et représente une véritable bouée de secours pour la famille. C’est celui sur lequel on peut toujours compter.
Patrick, c’est le grand-parent ou l’ami qui nous permet de souffler.
Et puis, bien sûr, il y a Damien, qui, en bon bipolaire, est terriblement « attachiant ». La phase du déni est particulièrement bien illustrée.
Beaucoup de familles de l’association la rencontrent, en particulier avec leurs adolescents, et pourront s’y reconnaître.
Ce film pose aussi la question de « jusqu’où peut-on aller par amour ? » et « jusqu’où faut-il aller par amour ? ».
Le risque bien sûr est de ne voir la personne souffrant de trouble bipolaire qu’à travers sa maladie alors qu’elle ne la définit pas et qu’elle ne représente qu’une petite partie d’elle. Garder sa juste place, celle de compagne, de fils, de père et non celle d’infirmier(e). Faire confiance malgré tout, accompagner sans faire « à la place de », responsabiliser, autonomiser pour redonner au malade le pouvoir de reprendre le contrôle sur son trouble et sur sa vie. Mais aussi savoir poser des limites et ne pas s’oublier soi-même. Ne pas tout vivre à travers la bipolarité.
La bipolarité est avant tout une histoire de famille et d’amour…
Une belle leçon d’humanité. C’est ce que ce film décrit à merveille.